Au rez-de-chaussée, Cœur de Bastide présente un grand espace ouvert, avec un café associatif, une zone d'exposition et une petite librairie. Le tiers-lieu ne désemplit pas, il est devenu le nouveau centre de vie de Sainte-Foy-la-Grande, une commune rurale et pauvre à 80 kilomètres à l'est de Bordeaux.
Cœur de Bastide est né en 2012, à l'initiative de dix commerçants et habitants. "Le centre-ville était un petit peu déserté car il y avait l'ouverture d'un grand centre hypermarché en rocade", raconte Marc Sahraoui, l'un des fondateurs, "[on] n'avait pas vraiment le moral à Sainte-Foy-la-Grande !"
Des commerçants ont l'idée de s'associer avec des militants associatifs pour travailler ensemble sur la revitalisation du centre-ville. Une SCI est constituée, un bâtiment acheté et restauré, grâce à des dons, des subventions et à beaucoup d'heures de bénévolat. Aujourd'hui le tiers-lieu regroupe 40 associations, 700 membres et fonctionne avec un budget conséquent (près de 200 000 euros).
Cœur de Bastide accompagne aujourd'hui celles et ceux qui veulent créer leur propre entreprise. Alice, une couturière venue de Côte d'Ivoire, réalisait des vêtements chez elle: elle vient désormais les exposer ici dans l'attente de pouvoir trouver une boutique. Elle qui ne savait pas comment s'y prendre pour ses démarches administratives a aussi trouvé de l'aide dans le tiers lieu, "ils ont tout fait pour moi".
Serge Broch, lui, a créé une petite maison d'édition et travaille sur un nouveau projet: la création de petites unités locales de purification de l'eau, pour fournir de l'eau de qualité, dans des bouteilles en verre, à des personnes âgées par exemple. Il espère fédérer d'autres entreprises autour de lui, des restaurateurs qui pourraient partager le même réseau de distribution. Des initiatives qui peuvent offrir des débouchés aux jeunes au chômage : "On relocalise une production pour créer des emplois."
À Sainte-Foy-la-Grande, la pauvreté touche près de 40% des habitants, et "Cœur de Bastide" s'est investi dans l'aide aux démarches administratives. Les dossiers s'entassent sur le bureau d'Edwige : une femme battue qui a besoin de trouver un nouveau logement, une personne confrontée au harcèlement scolaire, une autre qui cherche à faire un transfert d'argent ou une carte grise...
Patricia Juthiaud, la coordinatrice du projet Cœur de Bastide le confirme, "on est dans le croissant de pauvreté en Aquitaine : on a 40% de gens en-dessous du seuil de pauvreté, une population migrante, beaucoup de personnes âgées, de gens au chômage, et on a aussi des gens très très riches, et notre travail c'est de faire se rencontrer ces gens entre eux !"
Pour des personnes âgées ou pour ceux qui ne maîtrisent pas le français, c'est l'endroit où retrouver une aide humaine, car "tout se fait par numérique donc ils sont dépassés". Edwige n'oublie pas de prendre un café et de rigoler avec les personnes qu'elle accueille :
"C'est ce qui va peut-être nous différencier de l'administration, c'est le lien social."
À Cœur de Bastide, Charlie règne sur l'informatique. Cela inclut un atelier de recyclage et de réparation des ordinateurs, un accompagnement numérique pour les personnes âgées, et depuis cette année, un campus connecté pour les étudiants.
Charlie récupère et démonte de vieux ordinateurs, pour les remettre en état ou récupérer des pièces. Il installe aussi des logiciels libres pour faire fonctionner les appareils des personnes démunies, "j'ai vraiment l'impression d'être utile" dit-il.
Cécile Rousseau est la tutrice du nouveau campus connecté: six étudiants suivent ici leurs cours à distance, dans des écoles qui peuvent être à Lille, Paris ou Rennes. Elle leur offre aussi un accompagnement méthodologique et social. Six étudiants qu'elle chouchoute, dit-elle :
"Ils ne sont pas dans un amphithéâtre avec 400 autres élèves."
Badr fait ainsi son BTS assurance à distance, il vient 15h par semaine se connecter au site du CNED. Il apprécie de rester en famille, contrairement à l'année dernière où il garde un mauvais souvenir de la fac de droit et de son petit logement à Bordeaux, une année universitaire de surcroît perturbée par la crise sanitaire.
Ici, on apprend à lire. "C'est mieux ici, à la maison il n'y a personne qui m'aide" témoigne un élève de six ans, qui vient bénéficier du soutien scolaire après la classe. Mais le tiers-lieu a permis aussi à Sainte-Foy-la-Grande de garder une petite librairie.
"Nous sommes plutôt un dépôt de livres" précise Catherine, qui reçoit les ouvrages d'une librairie de Bergerac, la plus proche, à une trentaine de kilomètres. Elle organise aussi des dédicaces, et met en valeur les éditeurs et les auteurs locaux :
"Dans ce milieu rural, la culture est un petit peu mise à mal, si on peut relancer quelque chose, on essaye d'apporter notre petite pierre."
L'activité marche bien les jours de marché, Catherine se félicite que les habitants ne soient pas obligés de passer par Amazon ou ne soient cantonnés au rayon culture de l'hypermarché voisin. Cœur de Bastide est devenu le lieu culturel incontournable de Sainte-Foy-la-Grande.
Cœur de Bastide
Tiers-lieu social et culturel
44 rue Alsace Lorraine
33220 Sainte Foy la Grande
SIRET 788 868 032 00020
Tel 05.57.49.61.21.